Le réel seul est divers et capable de création.
Dans le divin s'étagent des cercles concentriques, bien rangés, dont la clé vers plus haut est fonction de vertus morales, celles du divin. C'est à dire celles des prêtres qui ont ordonné ces étages et organisé le divin pour que Dieu lui-même occupe la bonne place.
Dans les étages : des flics et des cireurs de pompe : Chérubins-flics et séraphins-cireurs de pompe tout occupés à clamer la grandeur de Dieu, les djinns et anges, les saints et les fidèles morts. S'époumonant. Créés pour chanter les louanges de leur créateur... On ne s'étonnera pas que l'écologie passe au second plan.
Évidemment, selon le schisme, ou la version, les étages sont tant pour l'un, tant pour l'autre, moi dans le vrai, et toi dans l'erreur... Sunni/Chi'ite, protestant/catholique, judéen/pharisien, hinayaniste/mahayaniste, shivaite/vishnouite, des étages, des petites chambrettes, des messagers, des punis et des récompensés, jusque dans les cieux.
Les bois du cerf sont « trophées » ou « massacres » selon qu'il porte haut sa tête, brame et se gonfle le sexe de sang : peupler la forêt de nouveaux cerfs ; ou qu'il se rue contre son adversaire pour le chasser de sa harde. A ce jeu aussi le réel est divers, parce qu'il peut tout autant, le cerf, briser la volonté de son adversaire et l'éconduire, que rester coincé avec lui dans l'enchevêtrement de sa couronne-branchage-arbre-racine-dagues-solarisation. Et les deux de mourir de faim, éternellement attachés par leur adversité, leur tension, poussés en avant par l'impérieux : la vie sans question.
La vie est sans question, comme le réel est sans pitié.
Car le réel est sans pitié.
Sans pitié : mécanisme inexistant pour la nature. Inexistant sauf pour la sensiblerie humaine, c'est à dire pour le refus, pour l'écart, l'évitement de la vie.
Le cerf se jette sans retenue sur l'adversaire. Le sang dans ses veines, la sève qui lui monte des cuisses au sexe sont impérieux comme l'est le chant même du plus petit des passereaux monté sur ses ergots, carillonnant sans peur, défiant les autres insolents d’à peine quelques grammes qui lui voudraient son territoire, la promesse de vies nouvelles.
Le chamane est sans pitié pour son malade comme il est sans pitié pour son âme qu’il va conduire contre la maladie, ce démon mauvais et contrefait, qui veut défaire l’agencement du monde et du malade.
Au plus haut de son initiation portée par une plante ou autre extase, il lui pousse des cornes au front, il est solarisé, racines au chef, qui le poussent au-dehors, ou qui poussent quelque chose au-dehors de lui : enfin ! au-dehors de soi, enfin en contact avec tout le reste, l’autre que sa petite personne peureuse. Il est jeté hors de lui le cerf. Ses bois sont l'extension qui signifie qu'il y a de la vie, une joie sans excuse et sans raison, une joie qui n'est pas à la condition de dieu, qui est pure de dieu, une joie féroce et sérieuse.
Ces cornes sont qu'il est porté le cerf, le chamane, ce qu'on voudra, non pas hors de lui pour devenir "autre" que réel. Le cerf est l'immensément vivant, le terriblement réel, avec un cœur très gros qui pompe un sang rouge et véloce. Les bois sont l'expression de son moment le plus réel. Le chamane le reste du temps est confiné, non pas à ses limites, mais à son repli : on ne devient pas "plus grand que soi". On devient soi en sortant de son amoindrissement, de sa soumission à morale, sexe flétri, gestes prudents, nourritures hypnotiques.
Les bois sont tout le temps là. C'est que toi, toi peureusement, obéissant, timide : tu ne te jettes pas en avant.
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