Être humain : une responsabilité cosmique ?

 

 

 

 
 
Pendant des siècles, les textes religieux (pas seulement occidentaux) installent l'être humain dans un double destin. D'une part d'être des "jouets" du monde (déterminismes, contingence, hasard, et résultat d'actions). De l'autre, d'avoir une responsabilité dans le cosmos (ça veut dire "monde" en grec, avant qu'on s’imagine des voyages dans l'espace).
 
La crise écologique démontre la place désormais totale de l'être humain sur la planète, son omniprésence. Ce qui n'était qu'une intuition des textes - ou plutôt, ce dont on pouvait se contenter comme d'une intuition - est désormais avéré : nous prenons toute la place, et cette occupation met en danger le monde matériel et la possibilité de l'existence de vies non aliénées, et non menacées.
Tout est aliéné. Tout est menacé.
 
La morale optimiste de ce constat serait que : il nous aura fallu pousser la logique de l'occupation de l'espace (et du temps) jusqu’à l'absurde pour être en capacité de réaliser que nous avons un rôle à jouer. Ce rôle n'est pas mystique, il est de responsabilité, et il est de prise de conscience que tout es lié. C'est à dire qu'il y a UN cosmos. Pas un cosmos, d'un côté, et de l'autre, les humains. 
 
La morale pessimiste serait que : l'espèce est crétinesque au point de l'autodestruction. Et que cette autodestruction est congénitale à l'espèce, incapable de mobiliser son intelligence pour SE penser, et une fois pensée, réagir de manière constructive.
 
A ce stade il y a plusieurs options à l'humanité :
 
1/ C'est foutu :
 
- c'est foutu, autant buter son voisin à la Kalash depuis la tourelle de son bunker de survivaliste.
 
- c'est foutu, barrons-nous dans les bois et parlons aux arbres en prenant des douches courtes, c'est l'amour et le véganisme qui sauveront les élu-es qui méritent d'être sauvé-es.
 
- c'est foutu, bâtissons une arche en orbite autour de la terre où, pour une participation en bitcoin, on pourra acheter sa place au paradis et boire de l'eau recyclée et manger des tomates produites par un équipage IA/esclaves humains, issus des cohortes prolétaro-racisées.
 
- c'est foutu, adorons Satan et mangeons-nous les uns les autres dans une belle actualisation de toute la filmographie vampiro-zombiesque.
 
Ou bien :
 
2/ Endosser notre humanité enfin. C'est à dire épouser la responsabilité, non pas d'une destinée, mais d'une situation où nous sommes à la fois responsables dans le temps (en arrière et en avant), et responsables dans la matière et l'espace - biotopes, lieux de vie... (Certain-es, immanquablement liront "coupables", là où j'ai écrit "responsables". Pour les lecteurs-lectrices tendancieux-euses ou paresseux-euses, il n'est pas de pitié possible : ils-elles font partie du problème).
 
Endosser enfin notre humanité c'est :
 
- cesser de raisonner en termes de dualité mais se déployer en termes de nécessité. 
Dualités : plein-creux, souhaitable-à éviter, dedans-dehors, étrangers-natifs, sol ou sang, animaux-humains, viande ou végétarisme... 
Nécessité : faire avec ce qu'il y a là devant nos yeux, et selon notre capacité humaine, déterminée, conditionnée, et l'assumant, devenir libre.
 
- rompre, partir, mais pas pour le bunker, ou l'isolement sectaire, mais ensemble, d'un seul premier pas, qui deviendra des centaines de pas différents, adaptés chacun à son biotope, à son projet (en adaptant des solutions localisées, mouvantes, non-définitives). Rompre : avec la "Totalité", avec "l'universel", avec l'essentialisme, avec le marxisme messianique tout-puissant, avec le capitalisme et sa pensée du bonheur tout-puissant, avec la démocratie-moins-pire-des-systèmes, mais tout de même toute-puissante au point de conduire une guerre infinie, une guerre continue : à tout.
 
Puis surgir : comme sujets. 
 
SUJETS.
 
- Surgir pour : l'entrelacé, l'intriqué, le mouvant, l'entre-deux, le non-dit, le jamais-tranché, la question, le questionnement, l'écoute infinie, les identités de frontière, ou les non-identités de non-frontières. L'abandon des soi-disant problèmes stériles (végétarien ou viandard, pour ou contre le voile à l'école, pour ou contre l'élevage, autorité ou laxisme..., fromage ou dessert, Dieu, croyant ou athée) dont nous avons les réponses de tout temps et qui ne servent qu'à nous maintenir dans une ankylose confortable.
 
- Surgir comme sujets, pour : épouser enfin des situations. Car il n'y a que des situations. Nul archétype, nulle idée supramentale, supra-humaine, supra-naturelle. Des situations sensibles, précises, nuancées, infinies.
 
- Surgir comme sujets, évoluant dans des situations, pour réparer d'abord, puis réconcilier l'humanité dans, avec, depuis "les" vivants (et non pas "Le" vivant, encore une idée, encore une catégorie impérative, encore une croyance et encore un Dieu).
 
- Réparer pour réconcilier. 
 
La fin de l'Exil.
 
 
Le buisson ardent - Photo Vidal Cuervo, droits réservés
 



 

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