Photo extraite de Le Pornographe, de Shohei Imamura (sous-titré Introduction à l'anthropologie)
(エロ事師たちより 人類学入門, Erogotoshitachi yori: Jinruigaku nyumon
Je parlais il y a peu de l'interdiction, contrainte, encadrement, clôture, de la nudité.
La mise à l'index de la nudité, l'insupportable vision pour la modernité, occidentale, capitaliste, de regarder sereinement un corps indigène nu, un corps sereinement nu sans sexualisation, n'est pas seulement un phénomène lié à Facebook et l'univers chrétien et protestant dont il procède. C'est le phénomène du masquage constant de notre humanité : femme qui allaite, enfant qui joue ou qui dort, artisan qui repousse un plat en étain... contre l'affiche de pub de la femme-enfant-porte-manteau, de l'enfant porte-enseigne d'un futur fascisme, de batteries d'ouvriers aux mains d'un milliardaire.
La pornographie c'est l'étalage criard du catalogue de produits sur Amazon.
C'est la disponibilité de tout. Du monde.
L'obscénité.
Cette femme sur la photo plus haut, qui ressemble à la femme de Trump, la femme en plastique de Trump, semblable aux autres humains en plastique de l'obscénité-faite-monde, a été choisie pour être ministre de la sécurité intérieure étasunienne.
Il est évident qu'elle a été choisie pour sa conformité (1) à une imagerie de santé insolente, de féminité fantasmée par le monde de Trump, qui est celui de Netflix, de Tesla, sortie d'une BD où tous les personnages évoluent sous stéroïdes.
Violence sexualisée, sexualité violente, femme violentée, c'est à dire redessinée, c'est à dire reformatée, c'est à dire mise au crible et gabarit du délire guerrier hollywoodien, jusque dans son expression corporelle, sa forme, celle des parties sexualisées par le patriarcat - bouche, seins, hanches, pose, regard, position des épaules, port de tête.
Il s'agit d'un délire imagier, d'une iconographie comparable à celle qu'avaient déployée les nazis allemands. Les critères et la grammaire stylistique sont différents mais il s'agit toujours de faire délirer les masses sur une représentation, les faire désirer en être, porter un flingue aussi, être une bimbo aussi, ou se tenir debout à côté de la bimbo, muscles et tatouages et flingue. Tatouage de chapelet, "moral patch" marqué "Cochise", qui fut l'ennemi des blancs sur la poitrine du blanc.
Renversement - image - délire.
Incarner un délire. Le faire chair.
Quelle différence avec les films DC Comics où Wonder woman est incarnée par une ancienne militaire de Tsahal fière de vanter les vertus guerrières d'Israël, ou Marvel, dont les personnages détruisent des villes entières, font exploser, brûler des villes entières, lancent des rayons, fabriquent des armes, décident seuls du sort des gens... pour sauver la planète USA ? Écho de Gaza.
Il n'y en a pas.
Hollywood marque les esprits qui veulent dans leur réalité corporelle jouer à faire sauter des villes, tirer des coups de feu, se rouler par terre et abattre des ennemis. Ou soutenir ceux qui le font.
Sortir de l'obscénité c'est arrêter d'aimer ces images que même Bollywood reprend, mais en hindi, ou tamil avec muscles, gros seins et flingues.
De l'autre côté du monde du trop-plein et des rayonnages remplis, du côté Bushinengué, Navajo, Touareg, du côté du pratiquant Zen, on veut plutôt désincarner, c'est à dire vivre le monde au lieu de le délirer.
Dieux flous et changeants, forme vide et vide-forme, un islam tamasheq tellement parcouru de djinn et de matriarcat qu'il en devient vivable, au milieu des ténérés. La résorption du délire, des marches lentes, la levée des intentions pour au contraire laisser flotter une écoute.
Le monde peut être léger, et allégé de la faute, du ressentiment, de l'image à incarner. Faire ce qu'il y a à faire.
Ici j'attends la pluie pour éviter de tirer trop d'eau du puits, et que les plantations soient arrosées.
1. La question de la possible compétence de cette femme n'est pas de mise. Non seulement l'ensemble des ministres de Trump ont-ils et elles été choisi-es pour leur fidélité à Trump et son programme fou, mais encore ce programme suppose-t'il de n'avoir aucune compétence réelle en termes de géopolitique, de gestion, ou d'éthique, pas plus que de sens commun.
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