Il faut vraiment comprendre qu'il y a, à gauche, une vision fantasmatique du fascisme, qui empêche de penser ses nouvelles formes, et donc, de s'y opposer de manière efficace.
Deux précautions oratoires :
1/ par gauche, je veux dire : à partir de la gauche de la FI, et au-delà. Donc du réformisme à la révolution.
2/ par fantasmatique, je veux parler d'une manière de voir, d'une manière d'envisager le fascisme sur la base de mythologies, de récits historiques, de clichés aussi, qui tiennent autant de mythes de résistance (Espagne 36, maquisards...) que de mythes fascistes tels qu'ils se montrent (chemises brunes, SS, flambeaux, personnages).
Ces événements ont évidemment eu lieu, mais c'est la manière dont nous désirons les voir qui pose problème.
Nous désirons continuer de voir les fascistes et nazis tels qu'ils étaient dans les années 30 et 40.
Je dis bien "désirons".
Parce que c'est la conjonction de nos mythes de gauche et des mythes de droite qui nous ont fait fantasmer quand nous avons commencé à militer.
Et l'image mythique finit par nous empêcher de voir que les fascistes et les nazis sont déjà là. Et c'est sa nécessaire remise en question que nous ne parvenons pas à faire, que nous n'avons ps envie de faire.
Ça voudrait dire revoir entièrement les "formes" auxquelles non seulement nous nous sommes habituées, mais que nous, à gauche et à l'extrême gauche, avons modélisées, enseignées, véhiculées. Nous à gauche, un faf on sait ce que c'est. Les spécialistes c'est nous. Alors maintenant qu'ils sont en costume-cravate et pas allemands, ça veut dire tout revoir.
Il n'ont plus de chemise brune mais ils sont identiques et sont agités par les mêmes pulsions, les mêmes mystiques, les mêmes valeurs. Même les personnages et les mots sont identiques.
Mais, encore aujourd'hui, je continue de lire et d'entendre une édulcoration de la dangerosité d'un Macron, d'un Darmanin, d'un Retailleau, non pas vis à vis de la politique mortifère qu'ils mènent actuellement, mais en tant que personnages fascistes. En tant qu'agents d'extrême droite.
Il est tjr qq'un pour me dire que non, ça n'est pas pareil, ça n'est ps du fascisme, parce que :
1/ Les conditions qui feraient que ce serait la même chose qu'en 33 ne sont pas réunies
2/ Si c'était le fascisme, ce serait pire.
En effet, ça peut être pire. Ça va être pire.
Mais la question n'est pas de savoir si c'est du fascisme SELON NOS TERMES MAIS SELON LES LEURS.
Est-ce que eux, à droite se considèrent comme tels ? Pas est-ce qu'ils s'appellent "fascistes" entre eux, mais est-ce qu'ils se voient penser, agir, préparer une politique d'extrême droite fasciste, ou nazie ?
La réponse est oui. Ils envisagent de changer le monde selon une idéologie raciste, misogyne, eugéniste, impérialiste, avec des variantes dans la mystique du chef et de l'ésotérisme d'extrême droite, avec un projet "d'Homme nouveau", avec un plan d'attaque conçu pour mettre en place cette idéologie.
Or, nous continuons de dénier au régime Macron par exemple le nom de fasciste.
Évidemment, il s'agit d'un ultra-libéralisme comparable à celui de Reagan, Thatcher etc. Qui n'étaient pas des régimes fascistes...
Mais...
... mais qui ne s’embarrassaient pas de finasseries quand il s'agissait de financer un Pinochet, ou autre tyran local, carrément fascistes, de préparer un coup d'état, d'employer des manières que seule l'appellation de démocratie" empêchait d'appeler fasciste, mis que les faits sont obligés de reconnaître comme tels : toutes les guerres américaines, les invasions de territoires non directement menaçants, la mise à disposition d'argent, de barbouzes, de cadres pour former ici l'Argentine, là l'Afrique du Sud, ou les Philippines, ou Israël. Je ne parle pas que des ricains, mais aussi de la France avec son doigt trempé dans plusieurs de ces stratégies et pays.
Et c'est en cela qu'il faut cesser de refuser au régime Macron le terme de fasciste. Ces politiques de dureté extrême, de libération de la parole raciste, misogyne, qui ridiculise l'intelligence, la culture et la finesse et revendique la force, la virilité, l'attaque tout azimut, sont des politiques préparatoires au fascisme. Consciemment. Car le Capital sait, consciemment, qu'il faut aller vers le contrôle et la répression pour préparer le coup d'après, l'éternelle restauration où il se nettoiera les mains de ses crimes passés.
Lorsque le fascisme est évident avec Trump-Musk, toute acceptation de ses propositions est un accord au fascisme. Donc un fascisme.
La situation actuelle est une situation de préparation au fascisme. C'est évident pour tout le monde sauf pour nous militant-es qui sommes tellement puristes dés qu'il s'agit de terminologie et d'exactitude historique qu'on pourrait se demander quelle peur cela cache-t-il ?
N'importe.
Les régimes autoritaires du monde industrialisé sont autoritaires à 70%. Ils préparent le fascisme.
Ils sont donc fascistes.
Parce que la question n'est pas de savoir s'ils sont à préparer une grand-messe militaire à Nuremberg avec les casques noirs et tout le tremblement. Mais de considérer ce qu'ils permettent là, maintenant, demain au plus tard, c'est à dire dans quelques mois.
Ils sont fascistes de fait par ce qu'ils mettent en place consciemment le fascisme.
Ils sont fascistes par ce qu'ils permettent d'advenir.
Et notre romantisme/purisme/lâcheté c'est de continuer de pinailler sur des points du décor, et les rangées de bouton de la vareuse du Feld-maréchal.
Parce qu'ils sont fascistes par l'engrenage dont ils huilent les rouages, il fat s'opposer à eux comme à des fascistes.
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Tout le monde s'est déjà posé la question du meurtre ciblé du méchant de l'histoire. En se donnant le beau rôle évidemment.
"Ah moi, en 33 j'aurais pris un flingue et j'aurais buté Hitler".
Qu'en disent nos petit-es agrégé-es d'histoire qui peuplent les rangs de nos orgas d'extrême-gauche ? Mêmes causes, mêmes effets ? L'histoire se répète ?
Ou bien : les boutons de la vareuse ne sont pas encore conformes ?

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