Un monsieur vient sur ma page pour m'expliquer que Tesson, c'est bien ce qu'il dit sur l'islam : l'islam, qui sent la pisse de chèvre, qui est - au contraire du bouddhisme paraît-il - seul à être méchant avec les femmes, et contrairement à la douceur chrétienne, fondamentalement mauvais.
Il ajoute, au deuxième post, que je suis un connard, car je suis un "gentil islamophile". Entendre : un benêt déjà soumis au Prophète. (Les thèses de Houellebecq en somme). Il dit ça : "connard".
Puis s'enfonce dans une mélasse où l'à peu-près logique le dispute au grammaticalement hasardeux, m'expliquant que c'est ok de m'insulter sur ma page car la critique, n'est-ce pas, il faut savoir la prendre.
C'est vrai ça, je suis con tout de même. Connard, c'est un argument. Mon intolérance est crasse.
Et aussi, qu'il faut distinguer les musulmans, détestables, car ils sont de cette religion - l'islam - de l’islam qui est détestable parce que... on ne sait pas très bien, mais Tesson, il dit la vérité. L'isl*m, c'est mal.
Voilà à peu près l'état du débat. C'est celui de CNews/Bolloré/Zemmour.
Foin de connaître 1600 ans d'histoire "des" civilisations adeptes de l'islam, il suffit de confondre musulmans, islamistes et islamo-gauchistes (votre serviteur) dans un même brouet, dont on est à peu près sûr qu'il contient des morceaux de cochon, exprès.
Foin de lire Farabî, Sohravardî, Darwich, Rumî, foin d'admirer la rectitude absolue d'un Abd el Kader, d'aller recueillir la précision de la falasafîa sans quoi la France d'oïl, crasseuse et massacrante, perdait le fil avec Platon, Aristote ; de cueillir la poésie d'amour arabo-persane sans laquelle il n'y aurait pas eu les troubadours de cette France d'oc, diverse et précieuse.
Mais je m'égare. Et remonte trop loin.
Il me suffit de regarder les visages d'arabes des gens de ma famille.
Les mélanges de juifs et de musulmans sur leurs tronches aux gros nez pas droits de berbères, aux yeux pas bleus, à la peau pas blanche. De me souvenir de toutes les fois où, en 30 ans de boulot, notamment au Moyen-orient, et au Maghreb, et en Inde musulmane, on ne m'a jamais manqué de respect : parce qu'il y a des règles, d'hospitalité, de prise de parole, de vivre ensemble...
Ici, en France (vous savez le pays du Méprisant de la république et des camps de concentration d'Argelès, Drancy, de l'antisémite Voltaire, de Thiaroye et des quais de Seine en 1961) il est normal de me traiter de connard au bout de deux phrases. Je me dis que le prix à payer pour continuer de nous prétendre civilisés est un peu lourd tout de même.
Et puis je me dis qu'en France, il meurt une femme tous les deux jours sous les coups de son mari, ou compagnon. Que 2000 ans de christianisme ont massacré des femmes parce que femmes, des Rroms parce que Rroms, des juifs, parce que juifs, des cathares, thaborites, hussites, manichéens, bogomiles, bulgares, vaudois, protestants, ariens, pélasgiens... parce qu'hérétiques. Et 3000 ans de la même farine chez les juifs, sans parler du bouddhisme conquérant au Tibet, en Birmanie, son monachisme souvent délétère, n'ont pas vraiment de leçon de délicatesse à donner.
C'est un étonnement constant que ce pays qui se veut, qui exige qu'on le considère comme civilisé, ait l'insulte toujours prête à dégainer, le mot acide qui fulgure, l'impatience d'un roquet, la délation dans le sang, le sentiment de petit propriétaire chevillé au corps qui le rend soupçonneux, sournois, envieux, raciste depuis que Voltaire l'a doté d'un appareil critique. Que ce pays qui donne des leçons de tolérance au monde entier - qui rigole - soit le dernier de la classe en termes d'égalité hommes-femmes, et remet à peine en question, à peine, une culture du viol qui n'arrange personne, notamment pas ses chefs, managers, idoles, têtes de liste.
En pays musulman j'ai toujours été traité comme un hôte précieux, et dans les quartiers parmi les gens de culture musulmane, parmi les kurdes, parmi les turcs, parmi les indiens d'Hyderabad, aussi, parce qu'il y a des règles. Bien sûr je ne suis pas une femme, mon sort en Arabie saoudite ou au Qatar aurait été différent. Mais, c'est pour dire qu'il y a des systèmes de paix sociale qui ne s'appellent pas "démocratie républicaine", mais qui sont aussi efficaces, ou aussi inefficaces, pour se prémunir du désordre civil.
En France, c'est bien connu, les règles sont pour les autres. Ce qu'on dit absout de ce qu'on fait.
Je ne suis pas naïf au point de trouver que les religions ne seraient pas d'odieuses machines à contrôler, réprimer et massacrer. Elles le sont. Ni qu'elles n'encouragent pas leurs patriarcats respectifs à profiter du dogme. Je les vomis.
Mais je dis que notre immodestie finit toujours par verser dans l'inacceptable. Cet inacceptable c'est l'insulte en premier, qui se poursuit par l'hystérisation du débat chez Hanouna ou CNews, et finit en massacre à grande échelle.
Je vais continuer de lire Sohravardî, Saadi, Ounsi El Hage, un libanais contemporain. Ils me reposent de Voltaire, de Napoléon, de Thiers, de Houellebecq et de Tesson.
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