Pour devenir animal VII - Devenir toute la nature

 


 Benandanti, Mazzeri, Mamuthones...

Les mamuthones sardes ont toute la puissance de masques (au sens de ceux qui les portent) africains. On imagine leur intrusion dans un village de montagne sarde au moyen âge, ou encore avant, et la frayeur des petits, la fierté des porteurs, leur sérieux à jouer les esprits de la montagne et des champs. En Corse il y a qq chose d'approchant, les Mazzeri (singulier mazzeru), sur fond de croyances anciennes de type chamanique, du moins magique : chasses nocturnes et visitations par des animaux (sangliers surtout) indiquant que telle personne va mourir. Les Mazzeri peuvent le voir. 
 
Ça rappelle, tjr dans la sphère italienne, les Benandanti étudiés par Carlo Ginzburg où, gentils sorciers et adversaires se retrouvent de nuit pour se combattre armés, qui de branches de fenouil, qui de sorgho pour prévaloir sur les cultures. Benandanti aux fenouils protégeant les champs contre les Malandanti (ceux qui vont pour le mal).
 
Les Benandanti se recrutaient parmi les gens nés "coiffés", c'est à dire avec la poche amniotique encore sur la tête à la naissance. Pendant que les sorciers hommes s'affrontaient, les sorcières femmes, leurs compagnes, partaient de nuit, toujours en rêve, retrouver la Bonne dame et les animaux. Elles apprendront de cette manière, qui mourra dans l'année : réminiscence du mazzerisme corse. Les Mazzeri aussi se combattent par groupes territoriaux, mais avec des bouquets d'asphodèles. Dans leurs chasses nocturnes lorsqu'ils attrapent le gibier, celui-ci tombe face vers l'avant. C'est en les retournant et en découvrant le visage humain sur la gueule de l'animal que le Mazzeru sait qui mourra dans l'année.
 
Ginzburg a supposé des filiations européennes de ce thème d'animal fauve mais néanmoins protecteur, ou annonciateur, jusqu'en territoire baltique (Livonie) où des loups-garous bienveillants aident les paysans contre les démons destructeurs de récoltes. (l'une des photos montre une "murmureuse" de charmes, guérisseuse biélorusse).
 
En Italie du Sud, la tarantella, ou pizzica, est une danse de transe pour chasser la mélancolie (dépression aigüe) des femmes restées seules pendant des années tandis que leurs maris sont partis travailler dans le nord. D'une manière générale, la tarantelle du Salerno, des Pouilles, etc... extirpe le mal-être. Bien qu'on l'attribue à la piqure de la "tarentule", les rites de guérison, fort lancinants et pouvant durer plusieurs jours avec tambourins et violons, rappellent évidemment le battement des tambours mongols ou turcs, accompagnés d'appels aux esprits.
 
Il y a des traces encore de ce très ancien chamanisme européen, jusque dans nos musiques et rituels annuels paysans, même mâtinés de l'infâme christianisme.
 
(Lire l'excellent Tarantella ! du collègue Alessi dell'Umbria - l'Oeil d'Or éditions) à ce sujet. Puits de science pizzicatesque.
 
Photos d'un peu partout en Europe occidentale, surtout Italie.
 
 




















 





 
 

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