I. Bienvenu-es au Fachistan.
Ton voisin, ta voisine sont des fascistes. C'est sûr.
On peut arrêter de tortiller du cul (ont-ils bien la chemise ? Et brune ?) et appeler un chat un chat.
Les ceusses qui veulent régler leurs problèmes en faisant pâtir les petit-es, les pauvres et les déclassé-es, les caché-es et les fuyant-es, les repoussé-es, et qui trépignent déjà de vénérer les forts, les méchants et les cruels, ceux-là et celles-là sont des fascistes. C'est à dire des tueurs en puissance, et des gens qui pousseront un étranger à la rivière, et ricaneront des tué-es et des tabassé-es, et se feront tatouer "honneur de la police", ou "viens les prendre" en grec - Molon labe, en Spartiates d'opérette.
Que le front populaire se retrouve en seconde force politique à l'issue du deuxième tour de farce, n'entraîne absolument pas que le mouvement social doive respecter le "jeu républicain". Il faut des grèves, il faut des sabotages, il faut des tracteurs de la Conf' à briser des portes de préfectures, des sièges de la FNSEA. il faut des embuscades dans les CRA.
Il faut ne pas appeler à ceci ou cela mais s'organiser pour qu'une autoroute se réveille bloquée un matin, qu'un salon commercial soit enfumé, ou inondé, ou ses portes bloquées, que les quartiers bourgeois soient visés au lieu de battre toujours les mêmes pavés de Répu à Bastille, ou du Vieux Port à la porte d'Aix...
Que le matin, ou la nuit qui tombe apportent leur lot de surprises, ici, là.
La légende des Français-es ingouvernables est une plaisante imbécilité que les gouvernants aiment à se raconter pour laisser croire qu'ils sont fortiches, et flatter du même coup, leur bétail de lourds bovins. Parce que la réalité c'est que les Français-es sont incroyablement soumis-es. Nos grèves et nos manifestations sont discrètes, respectueuses des gendarmes (même si eux ne le sont pas de nous), et rien dans notre organisation ne va dans le sens d'une expérimentation sociale autre que d'attendre de l’État qu'il donne la becquée. Qu'il entende nos plaintes.
Nous n'avons rien fait que manifester.
"C'est déjà pas mal !" rétorques-tu.
Non c'est rien.
C'est un symbole sur lequel l'autre s'assied qui a décidé de ne pas jouer le jeu. D'ailleurs, pendant que nous jouons aux gauchistes (antisocial tu perds ton sang froid, remets-nous "el pueblo unido" Marcel, peut-être un morceau de Jul pour danser derrière la CGT...?), eux ne jouent pas et nous soumettent.
Les colonies françaises, ont voté dans la logique de leur situation : humiliées en permanence, spoliées, méprisées, exploitées, trompées : Toutes sont passées à gauche, ou à gauche "régionaliste", même l'obéissante Réunion.
En métropole, les pauvres et les déclassés choisissent les fascistes.
Dont acte. ll n'y a aucune raison de respecter les codes qu'ils nous ont imposés.
Toutes les jacqueries de l'Histoire, toutes, ont été précédées de recours légalistes de la part des exploité-es et des personnes spoliées. Jusqu'au moment où le seul recours est de prendre le château, tuer le gibier du maître, bloquer les routes, se mettre aux forêts.
II. Scenario du lendemain, promesses du surlendemain
(Publié ailleurs avant le deuxième tour de l'élection législative de juin. On corrigera les événements, on ne corrigera pas le fond et la promesse du surlendemain, en ce mois d'août de confiscation par Macron du résultat des urnes).
Les libéraux vont installer un libéralisme autoritaire, qui passe par l'instauration d'un bipartisme.
Un parti autoritaire, de droite, libéral.
Et un parti d'extrême droite, ultra autoritaire que l'économie ne concerne pas parce qu'il sera là pour faire régner l'ordre nécessaire au libéralisme.
Cette installation suppose la décrédibilisation de la gauche, sa diabolisation : le mal c'est le social. Le mal c'est de s'inquiéter des faiblesses et des vulnérabilités. La virilité, le sens de la responsabilité aux affaires, l'enjeu de la civilisation occidentale, puisqu'il est nécessaire d'hystériser le débat par d'imbéciles invocations mythologiques, c'est l'homme, blanc, à poigne, prêt à casser des œufs pour faire des omelettes et prendre des décisions.
La faiblesse : les femmes, les enfants qui pleurnichent, les enfants qui dorment avec les parents au lieu de chialer dans leur chambre tous seuls.
Domestication.
La fragilité : les pauvres. Ils se rallieront au pouvoir en place à travers des chantiers qu'on appellera "de solidarité nationale" par exemple, ou "de jeunesse" pour plier les jeunes esprits au nouvel ordre, au plus vite.
Ceux et celles qui ne veulent pas, ou que leur dignité appelle ailleurs qu'à pactiser avec l'autorité et la manipulation, seront privé-es de droits, leurs enfants pris, les maris ou femmes feront l'objet de mesure d'éloignement, des vexations incessantes, multiples, allant grandissantes, feront l'objet d'un appareillage de réduction des oppositions, des plaintes, du recours.
L'humiliation comme mode d'emploi, la dispersion comme dynamique, l'isolation comme point final.
Une nouvelle nomenclature sera portée sur les documents officiels, stigmate et classification.
Origine, déclassement, appartenance à des groupes séditieux, anti-patriotiques, internationalistes, soupçon d'itinéraire professionnel non linéaire, à surveiller, coupable de rébellion...
La vulnérabilité : les handicapé-es.
La déviance : LGBTQI+
A surveiller : syndicalistes, autochtones guyanais-es, kanak, mahorais-es, écologistes.
Métiers scrutés : santé, culture, spectacle, social, éducation.
Il faut cesser de s'étonner. Il faut cesser de s'effaroucher. Il faut cesser de s'indigner que l'époque laisse monter l'extrême droite. Il faut même cesser d'essayer de l'expliquer.
Tout a déjà été dit.
Tout a déjà été dit depuis trente ans, puis crié depuis quinze ans.
Tous-tes celles-ceux qui s'étonnent le font pour se réconforter.
Tous-tes celles-ceux qui s'effarouchent et se tordent les mains mon dieu mon dieu le font dans un élan de pensée magique pensant que le mal passera s'iels ferment les yeux.
Tous-tes celles-ceux qui s'indignent renforcent le nouvel ordre qui compte sur la sidération et le simulacre d'institutions-toujours-opérantes pour l'établir ce nouvel ordre.
Tous-tes celles-ceux qui s'indignent, s'effarouchent, s'étonnent et expliquent, sont complices.
Comme sont complices les électeurs de l'extrême droite qu'il n'est plus question de considérer comme de pauvres gens frustrés et déboussolés.
Ils, elles n'avaient qu'à écouter à l'école.
Réfléchir.
Faire le lien entre Momo, l'épicier musulman sympa et les déportations à venir.
Parce qu'ils et elles auront du sang sur les mains. Et trente ans après les faits - c'est à dire dans 40 ou 50 ans, il y aura encore des collabos, des bourreaux et bourrelles, des lâches, des dénonciateurs-trices à abattre d'une balle dans la nuque quand ils et elles iront faire leurs courses, faire du jogging au coin d'un bois, pointer au boulot, faire le signe de croix à l'église.
Peu importe le résultat des urnes. S'indigner sera coupable.
Ce qui ne sera pas coupable, ce sera de se battre par tous les moyens et chacun-e à sa manière. Mais sans plus se cacher derrière les institutions, les grandes phrases, le grand-père résistant, la non-violence.
Peu importe le résultat des urnes. A partir de dimanche, si ce n'est déjà commencé : se battre. Se cacher. Reprendre les habitudes de clandestinité, de chemins creux, de messages de bouche à oreille. Retrouver le sérieux et la capacité de distanciation de qui tue un poulet ou un lapin, de qui relève ses manches pour rentrer les foins, de qui chasse pour se nourrir, de qui met le feu au dépôt de carburant, à la préfecture, de qui pousse un bourreau sous un train.III. Des clés pour la révolution - Landauer
En ces temps (maudits, comme disait Louise Michel), où le pyromane Macron pense égaler Mitterrand dans la manipulation politique, s'y croyant aussi avisé, et où il appelle à la "guerre civile", tout en feignant de la craindre ; en ces temps où le cireur de pompes sécuritaire et ancien Grand Maître du Grand Orient de France, Alain Bauer confirme avec délectation l'hypothèse de la guerre civile, il est peut être opportun de se visser des idées révolutionnaires en tête.
Des idées révolutionnaires, non pas "d'insurrection qui vient" théorico-esthético-élitiste à tendance autoritaire (le "Comité invisible"...), mais de processus révolutionnaire. Ce qui est un pléonasme. Une révolution est un processus, et non un moment de violence symbolique dont les acteurs devenus vieux pourront continuer de se glorifier - si les purges subséquentes ne les ont pas massacrés.
Un processus.
Celui-ci, comme le désirait et le préparait concrètement Gustav Landauer jusqu'à son assassinat aux mains des corps francs sociaux-démocrates de Kautsky (les bolchos de l'époque) se prépare en amont, il s'expérimente dans les divers domaines du projet social libertaire. Landauer disait "socialiste" d'ailleurs, et entendait "anarchiste". Il n'y avait pas d'autre forme de socialisme pour lui que celui où nous nous gouvernons nous-mêmes.
La révolution se prépare. Et notre actualité l'entrevoit déjà dans l'auto-organisation de mouvements écologistes, paysans, les collectifs de plus en plus mûrs, des centres sociaux "sauvages" fonctionnant en dehors de l’État...
Pour Landauer, se préparer était aussi simple que d'apprendre à travailler en groupe, d'apprendre à se parler, dé-battre, construire, gérer la conflictualité saine.
Se préparer c'était - et c'est évidemment encore plus vrai aujourd'hui - tester des formes d'éducation, des formes de production, des formes de transport, d'organisation urbaine ou rurale, des formes d'autodéfense... différentes. Et si ça ne marche pas aucun problème, on adapte, on change, on s'interroge. Rien de plus concret que l'anarchisme et pas de plan éternaliste de méthode qui marche partout.
La révolution est un processus et n'attend donc ni un Grand Soir messianique aux relents chrétiens et vengeurs, apocalyptiques. Ni un homme providentiel, ni un moment mécaniquement imparable dû aux contradictions internes du capitalisme tel que Marx l'a théorisé, en bon hégélien qui confie son sort à la logique de l'Histoire.
Landauer n'était pas marxiste au-delà du constat de la lutte des classes et des mécanismes de la valeur. Il n'aimait pas trop les marxistes, tout en reconnaissant à l'Allemand à grosse barbe, du génie et un travail essentiel de clarification.
Les marxistes ne l'aimaient pas non plus puisqu'ils l'ont tué Gustav.
Trois balles, et fini à coups de crosse et de coups de pied.
Sociaux-démocrates, donc. Les traîtres éternels.
Six mois plus tôt ils avaient tué Rosa et Karl. Que Lénine en sa Russie « avant-garde de la révolution mondiale » n'ait pas approuvé sur le fond ne l'a pas empêché de ne contester que fort peu...
Les temps heurtés, les temps troublés, les temps où s'élèvent les monstres sont les temps où il faut préparer, faire la révolution. Faire, comme on fait du pain, comme on fait un ouvrage, comme on monte des murs...
Elle commence au plus simple, au plus proche : jardins, écoles alternatives, autogestion de nos collectifs, autonomie des quartiers, voisinages, campagnes, nous prendre en main nous, matériellement, et, comme disait Gustav Landauer, "spirituellement". Par quoi il voulait parler de nos comportements, de nos manières de penser, de nous solidariser, épauler, de nous désaliéner, décoloniser, désentraver de la morale d'esclave du capitalisme.
Deux articles pour inspirer la réflexion. L'un de Renaud Garcia dans Ballast (2020), l'autre de votre serviteur dans Alternative libertaire en 2020 également.
https://www.revue-ballast.fr/gustav-landauer-un-appel-au.../
https://www.unioncommunistelibertaire.org/...
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