I. Le goût de l'aveuglement
Le Hamas, bien qu'il ait agi avec d'autres mouvements politiques, dont le FPLP (non-confessionnel, de gauche et fort ancien) se pose au-devant de l'action du 7 octobre.
Netanyahou et sa bande de fascistes et religieux, bien qu'il représentait, avant le 7 octobre, un repoussoir pour une grande partie de son pays, se place au-devant de l'action militaire et politique israélienne.
Tous les deux prennent toute la place.
Tous les deux entraînent leur peuple dans l'ouragan. Tous les deux donnent des raisons à tout le monde de détester ce qui les arrange de détester : les arabes pour les un-es, les juifs-ves pour les autres.
Au milieu du champ de bataille : les palestinien-nes enfants, vieillards, femmes, non-combattant-es.
Au milieu du champ de bataille, les arabes ici et là que leurs bourreaux habituels (fascistes, police, états) trouvent à tourmenter avec de nouvelles justifications et autorisations aux plus hauts lieux.
Au milieu du champ de bataille, les juifs-ves ici et là que leurs ennemis anciens ou nouveaux commencent déjà à tourmenter.
Imaginons la scène d'ici à peine quelques années : de nouveaux camps, de nouveaux cadavres ambulants en pyjamas rayés, et qui tenteront de comprendre comment le destin, Dieu, leur gouvernement, le diable, les autres, forcément les autres, les auront menés là, détestés et bientôt mort-es...
Certain-es trouveront des raisons d'ailleurs : le destin, Dieu, leur gouvernement, le diable, les autres, forcément les autres...
Peu auront les écailles tombées des yeux pour admettre leur propre suivisme, leur propre essentialisme, leur propre complaisance folklorique, leur propre acharnement, leur propre attachement insensé à l'absurdité, et leur propre répugnance à se quitter les écailles des yeux, à vivre décillé-es, limpides...
Jusque dans les camps, où se côtoieront arabes et juifs, Érythréens refoulés et Syriens piégés, gauchistes, et incompris pareillement, on invoquera Dieu pour le louer de sa sagesse ou le maudire, se maudire, maudire les autres, s'en vouloir de s'être laissé piéger, d'avoir fui un pays en flammes, ou traversé la mer à la nage, ou continuer d'interroger le gardien de camp en lui disant que c'est une erreur, car moi je ne suis pas comme mes codétenu-es, je suis innocent, ou plus riche, ou de meilleure naissance.
On finira bien tous-tes par tomber face en avant, mort-es déjà avant que de toucher le sol, frappé-es ou non par un éclair de compréhension, ou un ultime éclair d'illusionnement (Dieu, les autres, le diable, la politique), ou un souverain éclair d'absence de raisons...
II. A la rigueur de penser se substitue la volonté de convaincre
Je parlais l'autre jour avec un copain. Musulman. Nous parlions de la différence entre état, nation et société. Et soudain, au détour d'une phrase : " c'est pour ça que l'islam est bien, parce qu'il permet de faire cesser la conflictualité (les guerres) dans la société. C'est ce qu'il fit pendant des siècles avant que l'occident ne vienne mettre la pagaille..."
Non seulement cette affirmation est grotesquement fausse (les guerres entre musulmans ont commencé du temps de Mohammed et se sont poursuivies sans qu'on ait besoin de les provoquer depuis l'occident), mais elle est symptomatique de la manière dont on est amené au révisionnisme pour préserver des illusions et valeurs.
Qu'il s'agisse d'islam n'a que peu de pertinence. Un autre membre d'une religion autoritaire (y compris l'hindouisme par exemple) aurait pu dire pareil.
Et non seulement le sujet de la religion n'était pas inclus dans la discussion, mais en plus, le cheminement intellectuel, ne pouvait pas y mener, sauf à avancer par "sauts et cabrioles" comme aurait pu dire Montaigne.
L'intéressant dans cette conversation (par ailleurs pénible) c'est qu'elle illustre parfaitement comment à la rigueur de penser se substitue la volonté de convaincre. C'est-à-dire de vaincre.
D'asséner ses "valeurs" (croyances) comme si celles-ci avaient quelque pertinence que ce soit dans une réflexion.
Aux tentatives d'explication que j'ai tenté de donner sur État/nation/société, on m'a répondu "contrôle", "concorde imposée" avec des arguments à la rigueur historique pour le moins chancelants, comme expliqué plus haut.
Je finis par m'entendre dire "ah tu es fort".
Comme si ma volonté avait été tout du long de gagner, et non d'interroger, et faire s'interroger sur "État" : oui, non, quoi, pourquoi ? Société : d'où, comment, avec quels mécanismes ? Religion : le rapport à l'état et à la société (différent)? Ou encore le contrôle social et son rapport a l'émancipation.
Donc le point de départ est de gagner, depuis "ses" valeurs, c'est-à-dire ses croyances, c'est a dire depuis ce qui nous a été inculqué du dehors et en vertu de l'endroit où l'on est né, et non de tenter de décrire et comprendre une situation.
C'est particulièrement funeste, parce que c'est se condamner à répéter les mêmes imbécillités pour les mêmes raisons. Puis de regretter, après les avoir causées par ses croyances et sa malhonnêteté intellectuelle, volontaire ou non, que les choses fussent si cruelles, si génératrices de haine et de guerre etc etc
Mais c'est cette position (en l'occurrence religieuse, aveugle et sans réflexion, sans pensée) qui fait de ce monde un endroit confus, haineux et inutilement pénible.
Commentaires
Enregistrer un commentaire