De la religion 4 - De la nécessité d'analyser le fait religieux

 

 


 Nous "fêtons", si je peux dire, les 10 ans du massacre au journal Charlie Hebdo. 

Pour moi je dis : ni religions, ni Charlie.


L'écrivain, philosophe et traducteur (du grec et de l'arabe) Youssef Seddik, l'a amplement analysé.
Tant que l'islam ne fera pas le même travail exégétique, historique, linguistique, culturel, épistémologique que toutes les autres religions, dont les deux autres abrahamiques, il suscitera des vocations à la violence, misogynie, répression, supérieures à la normale de la violence religieuse.
Et malgré le travail scientifique effectué sur les autres religions (hindouisme, bouddhisme, christianisme, judaïsme...) c'est loin d'être une garantie de non-intolérance.
 
Il faut comprendre que l'analyse historique, anthropologique, d'un texte et de rituels n'a aucunement affaibli la croyance des gens qui pratiquent le judaïsme ou le christianisme par exemple. Leur foi, je veux dire. 
 
Au contraire. En permettant de relativiser certaines pratiques au moyen de l'histoire et du contexte, cela a permis aux croyants de se défaire d'éléments de culpabilité, de honte vis-à-vis de massacres, de meurtres, d'incohérences politiques etc. Leur pratique religieuse s'en est trouvée libérée.
 
Cela permet aux croyant-es d'envisager leur pratique du seul point de vue de leur foi, et peut-être même d'y ajouter un certain degré de liberté, donc, par rapport à leurs clergés respectifs.
 
Il ne faut pas penser qu'il existe des religions plus tolérantes que d'autres "par nature". Le bouddhisme par exemple, malgré son air de ne pas y toucher, a abrité autant de schismes, d'écoles en totale contradiction avec l'enseignement du Bouddha, que le christianisme par exemple. Il est vécu, dans les pays où il est majoritaire, comme une religion, et non comme une philosophie et une pratique sans éternalisme.
 
Malgré le travail de compréhension des textes, des choix politiques qui ont pu être faits à certaines époques pour asseoir une religion, l'établir comme force de domination, pour comprendre pourquoi, par exemple, c'est une certaine forme de christianisme et non un autre qui fut favorisé, malgré tout ça, les religions suscitent, sécrètent du fanatisme.
 
C'est normal. Une religion est un système politique qui fabrique de la soumission. C'est une idéologie, c'est-à-dire un système de domination sociale, justifiant encadrement et répression. Pas une philosophie ou une pratique détachée de visées de domination, ou existant de manière purement éthérée.
La religion c'est ce qui arrive quand des petits rigolos comme St Paul, Pierre, Augustin (christianisme), ou Abu Bakr, Othman (islam) ou Moïse, Ezra, David, Saul, (judaïsme), utilisent et déforment des traditions pour en faire précisément, un système de domination.
 
Et donc, on n'est jamais à l'abri de regains de fanatisme de la part du religieux. C'est l'institution, ses privilèges et son périmètre que les fanatiques défendent : en tant que mâles, en tant que dominants, possédants... En tant que frustrés, que dépossédés, que haineux...
 
Mais aujourd'hui, parmi toutes les religions il en est deux qui n'ont pas fait ce travail de compréhension des sources et des mécanismes qui les animent. L'islam : à un stade peut-être encore trop "jeune" de son histoire pour le faire sereinement, et par instrumentation politique.
 
Le protestantisme évangélique et sectaire : parce que par définition, il s'agit dun gloubi-boulga doctrinaire où textes, pratiques, substrat sociologique, sont fermés à un travail philologique, analytique etc. C'est une fabrication étasunienne composite et surtout protéiforme, se transformant selon l'utilisation.
 
Moi, je ne suis pas Charlie, je n'étais pas Charlie et ne le serais jamais. Je n'aime pas Charlie que je tiens pour un torchon raciste, monomaniaque, sexiste et vulgaire (pas seulement grossier), insuffisamment politique, malgré sa prétention à la laïcité.
 
Sans refuser mon respect aux mort-es.
 
Néanmoins, il me semble qu'on doit pousser l'islam en priorité, et les autres religions de manière secondaire, à faire, à poursuivre le travail de remise en question, de compréhension qu'ont effectué les autres.
 
Je le dis justement en tant que "personne de gauche", parce que cette exigence de compréhension, d'analyse historico-anthropologique n'est pas soutenue par "la gauche" pour des raisons électoralistes, laissant la place à un vide critique où s'engouffrent fascistes et racistes. Il est devenu impossible de critiquer l'islam sans être confondu avec les racistes.
 
Même à l'extrême gauche, même parmi les libertaires dont je suis, on est prudemment du côté du manche.
 
Comme s'il était si difficile de se positionner contre le fanatisme, et pour le soutien des personnes et collectivités minoritaires attaqués.
 
Au lieu que cette critique aboutisse à un renforcement du soutien aux minorités, c'est l'évitement qu'on préfère. Comme toujours en France, il n'y a pas de débat. Il y a des camps. Et la lâcheté à la boutonnière.
De quoi avons nous peur ? D'être confondu-es avec Le Pen ou Trump ? Piètre excuse.
Pourtant, dans les pays où domine l'islam-isme, il est des groupes qui résistent au fanatisme, au fait religieux. A commencer par ce modèle dont nous avons, à l'extrême gauche, la bouche pleine : la révolution kurde. Si eux et elles critiquent, analysent les dimensions culturelles et historiques de l'islam, et combattent par les armes l'islamisme politique, nous, ici, au chaud, avec tous les moyens de la critique et de la recherche nous n'en serions pas capables ? Nous renâclons ?
 
Pas étonnant qu'on ne parvienne pas davantage à articuler un discours, une théorie, une pratique réellement révolutionnaires.
 
Les gens ont absolument le droit de croire en ce qui leur fait du bien, si c'est là leur choix. La question n'est aucunement à l'endroit du droit ou autre. La question est à l'endroit de l'aliénation, de la souffrance, de la violence causée par le fanatisme d'une part, et à l'endroit du projet de société qu'on veut, d'autre part.

 


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