Tous les soirs une œuvre : Orwell.

 

 







En ce jour où j'apprends que la tête de liste de Macron aux Européennes s'affiche avec des nazis du défilé fasciste du 11 mai, je me demandais qui proposer à la lecture, parmi les combattants antifascistes.
 
Simone Weil partie rejoindre l'Espagne - merveilleuse femme, mais un fond tellement fanatique que son idéalisme l'emportait sur ses actes (néanmoins concrets) ? 
 
Malatesta (mais il a peu écrit) ? 
 
Gramsci ? Mais incapable, au final de se départir du primat du pouvoir, et d'un marxisme résolument autoritaire...
 
Orwell. transfuge de classe, d'un sérieux et d'un engagement à la fois total et sachant garder la bonne distance pour pouvoir, au milieu des sous-prolétaires anglais (Wigan Pier) et français, de pauvreté réelle (Down and out in Paris and London), et de la guerre pour de vrai, conserver sa capacité d'analyse et sa tendresse humaine.
 
Même sous les bombes du blitz, il trouve le moyen et la force de ne pas haïr, mais de tenter de comprendre pourquoi "des gens hautement civilisés tentent de me tuer en me larguant des bombes sur la tête" (dans les Essais "The lion and the unicorn"). 
 
1984 n'est pas une œuvre de science-fiction, "elle est un pastiche de la réalité".
 
Ayant vu de tout près la trahison soviétique de la guerre d'Espagne, tandis que les Stukas allemands soutenaient l'avancée franquiste, quand il met sur le même pied le communisme autoritaire et le fascisme, il sait de quoi il parle. Il est l'un des premiers (après Emma Goldmann et les anarchistes russes et allemands) à voir le schéma totalitaire dans ses mécanismes : révisionnisme, travail sur le langage, appauvrissement culturel pour ôter les moyens de penser, propagande, police d'état, crime de la pensée, purges, piégeage des gens de tous les jours pour contaminer tout le monde et faire exercer un auto-contrôle par les populations elles-mêmes : d'elles-mêmes.
 
Ses essais, peu lus en France sont exemplaires de clarté et de clairvoyance. Il faut les lire, car ils sont toujours parfaitement actuels. Chomsky a à peine affiner les observations d'Orwell sur le langage du pouvoir, et Foucault à un goût de réchauffé après 1984 (surtout quand on connaît son engagement à géométrie variable à Foucault...).
 
Ce qu'il dit du totalitarisme est à la fois plus humble et plus vrai que ce qu'en dira Arendt. Orwell n'a en lui aucune hypocrisie. Arendt est trouble de son arrière-plan...
 
1984 est difficile à lire. Pas par l'écriture, mais parce que c'est étouffant. Etouffant à cause de l'air raréfié de notre époque. Tout est là. C'est effrayant. Vraiment. Nous sommes dans le monde d'Orwell, et la différence de décor n'y change rien : nous sommes dans le monde d'Orwell. 
 
Le monde où le pouvoir et sa présence agissante pénètre tout.

 

 



















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